La Trapéziste

La Trapéziste


C’était une assiette, une belle assiette de porcelaine. Elle vivait ou plutôt vivotait dans un immense vaisselier. Oh, elle n’était pas seule. C’était même un endroit particulièrement encombré et fort gai. Un endroit où tout le monde se connaissait et se respectait L’ambiance y était bon enfant Cependant, elle n’était pas heureuse, elle avait un rêve, un joli rêve. Elle aurait voulu, là de suite, oui, elle aurait voulu devenir trapéziste.

Evidemment, l’on se moquait, on la trouvait trop ronde, trop travaillée. Ce n’était guère possible, trop fragile il fallait revenir sur terre et se rendre compte. Un rêve oui, une réalité, non !

Cependant, on avait beau dire, l’assiette allait mal. Les verres en cristal lui proposaient une jolie musique pour soigner sa dépression naissante. Ils lui concoctaient régulièrement des mini concerts composés de sons cristallins purs et enchanteurs. En vain, elle se languissait, elle perdait le goût des choses, une dépression que les sons ne soignaient pas.

Fins musiciens ils déversaient régulièrement des sonates de sons clairs et limpides. Des sons si purs qu’ils bouleversaient les services à thé et à café, les assiettes tressautaient, les saladiers dansaient, les plats se trémoussaient.

 La musique égayait tout le vaisselier. Exceptée notre petite assiette qui ne voulait pas danser, ni chanter.

 Elle voulait voler, fendre l’air, s’élancer dans le vide, tourbillonner, se rattraper, vivre enfin !

Un jour que la porte vitrée de l’immense armoire était ouverte, la belle se fit la belle. Elle s’est élancée, a enfin fendu l’air, et connu l’ivresse de la vitesse, le petit pincement au creux du ventre, le plaisir de rouler sur le sol, de retomber, trépignant de tout sa rondeur, dansant frénétiquement et se stabilisant enfin sans dommage.

Le moment de stupéfaction passé, l’ensemble du service a applaudi avec ardeur, le vaisselier en craquait d’enthousiasme. Bravo criaient les couverts, vous avez vu ? demandaient les porcelaines aux cristals. Et tous applaudissaient à tout rompre.

L’assiette était enfin heureuse, son rêve était réalisé, elle l’avait fait !

N’écoutant ni les pleutres, ni les rabats joie, elle était devenue la première assiette trapéziste, sans trapèze. Mais elle avait senti l’air sur sa porcelaine, ressenti l’ivresse de la vitesse, elle avait frémi en se voyant tomber ; elle avait eu peur. Quelle exaltation ! quel bonheur d’être grisée, quelle volupté que de réaliser son rêve.

Et puis, la porte s’est ouverte, une main la ramassée, la replacée dans le vaisselier et a refermé la vitrine.

Mais la petite assiette savait que désormais son rêve serait toujours là au sein de ses souvenirs et que cet exploit, elle pourrait, un jour, le réaliser de nouveau.

Croire en ses rêves, croire en soi, n’est-ce pas le début de la sagesse, et ne jamais renoncer le début du bonheur ?

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