
Goupil
C’était il y a fort longtemps dans un endroit fort improbable. C’était donc une vaste forêt, un énorme bois, peuplé comme il se doit d’elfes, de fées, de gnomes, trolls et autres petits êtres composant le Petit Peuple de la forêt.
Tout se passait à merveille, tout se passait bien, sans querelle, sans pénurie, sans tristesse dans un monde serein, beau et même plus beau de jour en jour. Un monde paisible, sans histoire. Bref, un monde où l’ennui et la routine avaient commencé à distiller leur venin.
Un jour, un gentil renard s’en vint croquer une gentille poule et la déguster gentiment aux yeux de tous. Or, comme c’étaient les fées qui pourvoyaient à la nourriture de chacun, cela n’était jamais arrivé.
Scandale, horreur, mais comment ? mais pourquoi ? Mais…non, mais sacrilège, assassin !!
Le renard fut fort étonné du scandale provoqué. Lorsqu’il fut convoqué par la Cour suprême composée des ancêtres de chaque entité présente dans la forêt, Maître Renard expliqua à l’assemblée atterrée que là d’où il venait, c’était chose courante et ma foi, normale.
Là-bas, dans le royaume des Hommes, tout le monde procédait ainsi. Les tendres poulettes étant le repas préféré de nombre de prédateurs, à commencer par les Hommes eux-mêmes.
La Cour fut fort intriguée voire même impressionnée et l’ensemble du Petit Peuple fort apeuré.
On expliqua à Goupil qu’il ne pouvait rester et qu’il devait s’en retourner là d’où il venait. Là, où manger justifiait tous les assassinats de petites poulettes. Le Renard profitant de l’audience leur donna un cours sur la prédation en particulier et en général. C’est donc ainsi que le Petit Peuple apprit que les chats tuaient les oiseaux, les rats, les mulots et les petites souris. Que les chiens tuaient les chats et aussi les lapins, que les loups, les renards, les belettes, les martres tuaient tout ce petit monde pour se nourrir.
Horrifiée la Reine s’exclama « mais tout le monde tue tout le monde dans ce royaume !
Quelle horreur que d’y vivre ! Mais dîtes moi Maître Goupil, pourquoi les Hommes n’y remédient-t-ils pas ? »
Alors, Goupil éclata de rire, un rire sonore, plus triste que joyeux.
« Pardonnez-moi, Majesté et vous mes seigneurs, mais c’est l’Homme qui tue tout ce beau monde et pas toujours pour se nourrir ! Ils tuent pour le plaisir, ils se tuent même entre eux. Ils se font la guerre et se tuent à l’unité. Le pire des prédateurs de toute la création c’est l’Homme, qui cumule en plus, la vanité, l’orgueil, la médisance, la méchanceté et croyez-moi, la bêtise la plus cruelle de tout l’univers. ».
A ces mots, la Cour fut bien ennuyée, comment renvoyer le pauvre Goupil dans un univers aussi scabreux ? aussi dangereux ?
Le Renard avait également expliqué que sa fourrure plaisait aux humains qui n’hésitaient pas à exterminer toute une famille dans l’unique but de fabriquer une cape pour les épaules d’une demoiselle.
Terrifié, l’ensemble du Petit Peuple fut pris de tremblements et la pauvre gentille petite poule reléguée aux fins fonds des histoires horrifiantes qui sommes toutes l’étaient bien moins que toutes les autres.
On expliqua à Goupil que s’il voulait rester parmi eux, il lui faudrait renoncer à toutes formes de prédation.
Hélas, Goupil en était bien incapable. On appelle ça l’instinct ou l’éducation.
Renard il était, Renard il resterait.
La seule chose qui put le dédouaner est qu’il n’a jamais promis de cesser ses prélèvements et que, vraiment il a fait des efforts. Mais chassez le naturel il revient au galop…
Et en parlant de galop, Goupil s’est pris un carreau d’arbalète qu’un vaillant chasseur lui avait décoché. Ainsi va la mort, ainsi s’en va la vie.
Chacun ses prédations, chacun ses prédateurs, Petit-Peuple cache-toi le plus possible, mais attention un jour ou l’autre l’Homme lorgnera ta forêt.
N’oublie pas qu’on est toujours vaincu par plus barbare que soi.
Très belle fable des temps modernes merci Louise
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Très sympa à lire… mais pas pour les jeunes enfants ^_^
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