Je me souviens, j’avais dix ans, c’était une belle journée de juillet, non de mai ou était-ce juin ? Une de ces journées où la moiteur de l’air se mêle aux doux parfums des fleurs et des arbres. Oui, tout en marchant je me sentais grisée par cette promesse d’été.
Tournant rue Thiers, j’ai vu un attroupement près de la maison de Papa Jules et de Maman Yvonne… l’ensemble de mes camarades de classe, en fait.
Pour faire court, Papa Jules est un chaud lapin qui fait voler son dragon dans toute la région, au grand dam de Maman Yvonne qui n’en peut plus d’astiquer ses cornes.
Me mêlant aux badauds, j’observais la scène.
Dans l’encadrement de la porte, les bras croisés, le regard courroucé, Maman Yvonne interrogeait son coquin de mari.
- « D’oùc ch’est qu’te r’viens ?
Jules avec un aplomb que seule confère l’habitude :
- D’’l’mer !
- Et qu’est-ce t’es allé fair’à’l’mer ?
- Bah, j’a pris l’iode et j’a trempé mes pieds.
- Ah ouais et ch’éto quelle mer ?
- Euh, eul’mer à Amiens ! »
En concomitance absolue le visage de Maman Yvonne s’est allongé et les enfants spectateurs ont murmuré avec un bel ensemble « Y’a pas la mer à Amiens… »
- « Ben, puisque t’as l’air d’avoir des accointances avec l’eau te f’ras t’lessive tout seul et pour minger t’demanderas a’t’sirène !
Rentrés chez eux les enfants ont narré par le menu la mésaventure de Jules à leurs parents. Tous ont été unanimes : C’était un drame de l’inculture.
Moralité : Dans la vie, si tu ne veux pas d’ennuis, connais ta géographie !!!
Louise Desmons – juillet 2020