
« Vite, vite, vite, je suis en retard !, rho… je cours mais je n’avance pas ! Où est mon balai ? »
Pâquerette, la petite sorcière courait partout dans la maisonnette où elle réside depuis…oh…549 ans si sa mémoire est bonne. Noireau, son chat, confortablement installé devant l’âtre la regarde s’agiter. Quelle folle-dingue cette sorcière ! Elle passe son temps à courir en criant « je suis en retard, où est mon balai ? »
Au même moment, on entend crier « Mais où est mon balai ? » du fond d’une malle où elle s’est engouffrée par mégarde.
« – A côté de l’aspirateur lui crie Noireau, « Modernité et Traditions » tu te souviens ? »
« – Ah oui, merci ! »
Pâquerette attrape son balai, se recoiffe devant le miroir magique, met son chapeau à pompons, (ben oui c’est l’hiver), ouvre la porte. Un vent glacial entre dans la cuisine !
« -Oh, il faut que je me dépêche, c’est la première pleine lune de l’année. Dans une heure les villageois auront déposé le nouveau-né dans la souche-berceau. Je dois y être avant les bêtes sauvages ! »
Sur la route, Pâquerette maugrée « Ces diables de villageois, pourquoi abandonnent-ils un bébé tous les ans à la même période ? C’est incroyable ça ! A quoi jouent-ils ? Pourquoi toujours en janvier ? et à la première pleine lune ? Je n’ai jamais osé leur poser la question tant j’ai peur de me faire tuer. Mais quand même la question me taraude ! Et puis, ce n’est guère plaisant de voler par ces températures !
Arrivée près de la souche de l’arbre berceau –nom qu’elle lui a donné comme une évidence- Pâquerette pose son balai et attend cachée dans les broussailles. Elle voit arriver un prêtre, puis des notables, vient ensuite un jeune couple en larmes, la femme serrant un bébé contre son cœur, enfin les villageois graves et résignés.
Drôle de cortège… la petite sorcière écoute. Pour une fois qu’elle est en avance, elle va peut-être percer le mystère du bébé de la pleine lune.
Le prêtre prend la parole. Il commence son discours avec emphase et grandiloquence.
« – Mes frères, mes sœurs, nous sommes ici pour offrir cette jeune vie à la terrible sorcière qui hante la forêt. Cette offrande sera comme chaque année, le gage de notre tranquillité. Une fois, le terrible appétit de cette diablesse assouvi, nous pourrons vivre sans craindre les calamités. »
Pâquerette reste abasourdie… « Mais …quoi ?… Non mais…quoi ? Mais…ça ne va pas non ? Enfin…mais… » Elle s’apprête à bondir pour corriger l’erreur. Jamais, elle n’a exigé quoi que ce soit de qui que ce soit. Quand elle a besoin de quelque chose, ben..elle le fait apparaître. M’enfin, ils sont fous à lier !!
Elle réfléchit tout en regardant le cortège s’éloigner. Tout d’abord, rendre le bébé à ses parents, ce n’est pas un abandon c’est une extorsion ! Puis leur faire comprendre à ces nigauds qu’on n’a pas besoin d’acheter ma mansuétude, je me fous royalement de qui fait quoi dans la forêt. Il faut que donc que cette tradition idiote cesse immédiatement. Mais comment expliquer ça à des paysans terrorisés qui sortent leur fourche dès qu’ils voient un chapeau pointu ?
Diantre, diantre ! Comment s’y prendre ? Bon d’abord, le bébé, puis je vais rentrer chez moi demander conseil.
Fichtre ! Que de complications inutiles. Pâquerette se glisse dans le village où elle n’a aucun mal à trouver la maison des jeunes parents, tant les pleurs et les cris de désespoir envahissent la rue. Notre petite sorcière, se glisse dans la chaumière, le bébé dans les bras.
« – Arrête tes pleurs, je te rends ton enfant, lui dit Pâquerette. Et sache que c’est une tradition stupide qui embarrasse tout le monde. D’abord, le mois de janvier est diablement froid et à mon âge, et bien que je sois encore très jeune, je n’aime pas courir les courants d’air. »
Les parents la regardent stupéfaits. Bientôt, la mère son bébé contre son cœur, prend la parole : «- Mais ça fait de très nombreuses années que ce rituel existe.
Ne m’en parle pas ! ça fait des années que je me gèle à chaque première pleine lune pour que le bébé abandonné ne se fasse pas dévorer par les bêtes sauvages. »
Et que sont-ils devenus ? s’inquiète la mère. »
Il existe un village de l’autre côté de la forêt, les villageois y sont accueillants, ils aiment les enfants. Je les ai tous faits adopter. Eux-aussi se demandent pourquoi vous abandonnez vos enfants de janvier. Bon allez, je me rentre et cachez le bébé. Pas sûre que le prêtre et les notables ne vous le confisquent pas ! Je reviens dès que j’ai la solution pour arrêter cette funeste mascarade.
Et pfft… Pâquerette s’envole.
Arrivée chez elle, elle convoque son haut conseil. « Noireau ! j’ai un problème !!
« – Il se passe quoi, ma folle-dingue préférée ? »
Et Pâquerette notre petite sorcière de lui narrer sa mésaventure.
« – Hum ! hum… Ils sont fous ces humains !
– Comme tu dis…
– J’ai remarqué que ce village est gris et terne, peut-être qu’on a affaire à un mage ou un lutin travesti, assez malveillant qui en aurait pris la tête ? suggère Noireau.
-« Oh crois-tu ? Attends, miroir qu’en penses-tu ? demande Pâquerette
– J’en pense que c’est Roublard qui se fait passer pour le prêtre. J’en dis que ça l’amuse de voir pleurer les gens, et surtout de savoir que toi, tu te prends le vent glacial de janvier sous tes jupes. – Bon, bien, alors action ! décrète Pâquerette ».
Elle élabore un plan avec ses amis pour confondre l’imposteur.
Balai sous le bras et chapeau sur la tête, la sorcière attend avec les parents et le bébé que prêtre et notables arrivent.
« – Oh ! une horrible sorcière mangeuse d’enfants ! crie le prêtre.
» – Arrête ton cirque Roublard, tu es démasqué ! Pâquerette lui envoie de la poudre magique au visage et le nez, les yeux, le menton de Roublard apparaissent, alors que son corps rétrécit, jusqu’à devenir de la taille d’un garçonnet de dix ans.
– Roublard, tu es insupportable ! Ces pauvres gens pleurent leur enfant et toi ça t’amuse ! le sermonne Pâquerette.
– Oui, ben toi t’es pas marrante ! ça fait des siècles qu’on s’ennuie avec toi ! »
La voix de notre petite sorcière s’élève alors : « – Villageois, villageoises, il n’y a pas de méchante sorcière. La forêt est belle et accueillante. L’eau est pure et limpide, le gibier est abondant. N’écoutez plus les nains moqueurs et trompeurs. Vos enfants sont sains et saufs de l’autre côté de la forêt. Un joli village plein de fleurs, d’arbres, de musique et de couleurs. Prenez-en de la graine. Le malheur prend suffisamment de place sans qu’on ne lui en fasse !
C’est ainsi que des deux côtés de la forêt, on trouve de jolis villages pleins de rires et de chansons. Et Roublard ? Et bien, il est condamné pour 300 ans à cultiver l’immense jardin de Pâquerette… Et oui ! c’est elle la sorcière !!…
Louise Desmons
Très joli conte, continues c’est magnifique
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